• Les Rroms dans le bilan du séjour de N.S. place Beauvau

    N.S. quitte ses fonctions de ministre de l'Intérieur.

    Le bilan de N.S. en tant que ministre de l'intérieur pourrait faire l'objet de livres entiers, ce que nous ne ferons pas.

    Reprenons seulement l'expression "productivité des services de police", qu'a utilisé M. Alain Bauer, président de l'observatoire national sur la délinquance. C'est en fait sur ce point que le bilan du ministre serait positif, selon M. Bauer. C'est grosso modo la culture du chiffre: primes pour les policiers qui atteignent les objectifs chiffrés, sanctions sur ceux qui ne les atteignent pas.

    En ce qui concerne les Rroms, nous ne ferons pas de comptes, mais juste revenir sur quelques points qui, dans l'activité du personnage, nous concernent particulièrement, étant entendu qu'ils sont pertinents aussi, à des degrés divers, à toute personne en France:

    1. La relation du ministre de l'intérieur avec les juges

    Dans une démocratie, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice, le gouvernement ne peut pas juger de l'application que le juge fait de la loi, et encore moins de l'opportunité des décisions qu'il prend en application de cette loi.

    Après que le tribunal de Créteil ait libéré 65 Rroms de Roumanie rafflés à Choisy (94), pour vice de forme dans la procédure policière, M. Sarkozy déclarait sur TF1 : « Nous voyons bien le caractère parfaitement absurde d'une procédure à laquelle aujourd'hui plus personne ne comprend rien et qui permet à quelques professionnels de s'amuser avec la procédure, avec des préoccupations uniquement idéologiques ».

    Rappelons à ce sujet que, s'agissant de la liberté individuelle, qui dans une démocratie assure à chacun de n'être arrêté que pour des motifs et dans les formes prévues par la loi, la procédure, loin d'être une question purement formelle, est une question essentielle. En tant qu'avocat, l'ancien ministre de l'intérieur connaît bien cela. Quant aux « préoccupations uniquement idéologiques », quid de l'expression « s'amuser avec la procédure », prononcé par un avocat ? N'est-ce pas de la pure démagogie populiste ?

    L'histoire s'est poursuivie avec le conflit entre place Beauvau et le tribunal de Bobigny, assez bien connue.

    2. Le « stationnement illicite »

    La loi que le ministre a fait adopter le 18 mars 2003 insère au Code pénal un article 322-4-1 ainsi rédigé :

    « Le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu par l'art. 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende.

    Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale ».

    Dans une circulaire de 2006, le ministre précise que, afin de faciliter l'expulsion des gens du voyage, il faut créer des aires de stationnement, et que ces derniers ne devraient pas engager beaucoup de dépenses. Le but est donc bien de pouvoir expulser et, si possible, appliquer l'article ci-dessus : emprisonnement, amende, confiscation !

    Quant aux prix élevés de ces aires, la circulaire rappelle une limite du coût, instituée par un décret d'application de la loi de 2000 (loi Besson pour les intimes).

    Or, il faut rappeler pourquoi ces aires coûtent cher. Ce n'est pas parce que ces aires ont des équipements en or, très loin de là ! C'est parce qu'à tous les coups, pour les rares cas où elles sont réalisées, c'est en dehors des villes, à côté de déchèteries ou d'usines qui polluent à fond, et que donc il faut viabiliser les terrains sur lesquels on les installe. L'espérance de vie de ceux que la république française appelle « gens du voyage » s'en trouve inférieure d'une vingtaine d'années par rapport à la moyenne nationale.

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    3. L'action de la police

    C'est là sans doute que l'action du ministre de l'intérieur s'exprime dans toute sa splendeur. Il suffit de voir l'explosion des plaintes contre des policiers auprès de l'Inspection générale des services (IGS) ou de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS). Nous nous tiendrons ici à un seul cas, le plus grave :

    Dans la nuit du 19 au 20 juin 2006, Vilhem Covaci, un jeune rrom de 20 ans, est coursé par des policiers à Aubervilliers. Sans papiers, il s'est jeté dans le canal Saint-Denis et a nage rapidement vers l'autre rive. Son beau-frère Daniel, qui l'accompagnait, se jette aussi dans l'eau, bien qu'il ne sache pas nager. Il plonge, puis dès qu'il ressort en surface, est repêché par les policiers, qui l'assomment à coups de poings et de pieds. Il a juste le temps de voir son beau-frère qui continuait à nager rapidement déjà à plus de la moitié de la largeur du canal, avant de perdre connaissance. Entre temps, un nombre important de policiers, en uniforme et en civil, s'étaient rendus sur les deux rives du canal, ainsi que sur un pont à proximité. En un mot, les deux jeunes étaient encerclés. Des Rroms qui habitaient à proximité ont entendu des cris de douleur.

    Conduit à l'hôpital après avoir passé quelques heures au commissariat d'Aubervilliers, Daniel est libéré dans l'après-midi du 20 juin. Quant à Vilhelm, il a disparu. Sa famille, directement et par le truchement d'un avocat, demande des nouvelles des deux jeunes, mais le commissariat d'Aubervilliers dit qu'ils ne sont pas là. Ce n'est qu'à la libération de Daniel qu'ils sauront ce qui s'est passé, mais ils restent sans nouvelles de Vilhelm.

    Quatre jours plus tard, le corps de Vilhelm sort à la surface du canal, à quelques mètres du lieu où il a été vu pour la dernière fois. Aucune explication n'est donnée par le commissariat d'Aubervilliers. « La voix des Rroms » a demandé d'être reçue avec la famille de la victime, et une prise de position par le ministre de l'intérieur. Le ministre n'a pas pu accorder un entretien car son agenda était plein. Quant à une prise de position, pas de réponse. Nous avons compris, les policiers ne sont pas là « pour jouer au foot », mais qu'on le sache, et toujours dans notre hypothèse de base, ils ne sont pas là non plus pour ne pas répondre de leurs actes.

    Le cas de Vilhelm n'est malheureusement pas isolé. Beaucoup de personnes ont trouvé la mort après avoir rencontré la police, dans des circonstances qui restent souvent obscures.

    Tout ceci s'est passé sous le mandat de N.S. en tant que ministre de l'intérieur, mais ce n'est pas tout ce qui s'est passé pendant ce mandat.


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