• Témoignage sur l’opération de contrôle d’identité des familles rroms de Montplaisir le vendredi 7 septembre

    Avec le nouveau préfet, qui bénéficie d'une collaboration totale du maire, nous assistons à Saint Etienne à une sorte de « chasse aux Rroms » en vue de leur fichage systématique pour procéder à leur expulsion dans les prochains jours.

    Ainsi hier matin, vendredi 7 septembre,  la police a encerclé le site de Montplaisir pour procéder à un fichage complet des familles occupant le bâtiment de l'école maternelle (celles installées dans le bâtiment de l'école primaire avait déjà été fichées lors de leur expulsion de Béraud le 8 août dernier).

    Je veux témoigner de la façon dont les choses se sont déroulées. Il est important de faire connaître de telles méthodes dignes des plus mauvais moments de notre histoire.

    Ce vendredi matin, je suis en voiture. Il est à peut près 8H 30. J'ai rendez-vous avec une famille pour l'accompagner en mairie annexe. Elle désir présenter son projet de vie en France. Mon téléphone portable sonne, c'est un ami roumain : « Je ne sais pas ce qui se passe ils y a beaucoup de policier ici». J'arrive sur le site de Montplaisir. Au portail d'entrée deux policiers m'arrêtent. D'autres sont de l'autre côté de la rue et j'en aperçois plusieurs à l'intérieur aux alentours des bâtiments. Beaucoup de familles sont dehors.

    Je demande aux policiers ce qu'ils font là. Pour toute réponse ils me demandent mes papiers. J'insiste :

    « Dans quel cadre agissez vous ? Où est votre officier ?

    -          Là bas à l'intérieur. Vos papiers ! »

    J'insiste à nouveau :

    « Avez-vous une autorisation d'un juge ou un mandat du procureur ? Je veux le voir ? 

    -          D'abord vos papiers ! »

    Je donne ma carte d'identité.

    « Non, ce n'est pas un contrôle d'identité. Nous voulons les papiers du véhicule. »

    Ils vérifient ma carte grise et mon assurance.

    J'aperçois alors un commissaire de police. C'était lui qui était venu constater quand nous avions aidé les familles rroms à s'installer dans l'école maternelle en octobre 2006. Je vais à sa rencontre :

    « Qu'est-ce qui se passe ?

    -          Nous agissons dans le cadre d'une violation de domicile sur mandat du procureur de la république. Nous faisons un contrôle d'identité. »

    -          Violation de domicile ?

    -          Oui, la mairie a déposé une plainte sur l'occupation illégale de l'école maternelle par les familles.

    -          Mais ça fait un an !

    -          Je sais. »

    Il se veut rassurant :

    «  Nous ne sommes pas venu à 6H, nous sommes venus plus tard. Nous avons garé les voitures à l'intérieur par discrétion. »

    Cinq ou six policiers sont dans le hall du bâtiment des anciens logements des instituteurs. Trois ou quatre autres sur le terre plein dehors.

    Je vais discuter avec les familles, je commence à leur expliquer ce qui se passe. Il y a deux voitures de police dans la cour du bâtiment de l'école primaire.

    Puis je passe dans la cour du bâtiment de l'école maternelle. Plusieurs voitures de police y sont stationnées : au moins quatre. A l'arrière d'une des voitures, des policiers avec des Rroms qui attendent leurs papiers à la main.

    Je rentre dans le bâtiment.

    Quatre ou cinq policiers sont dans le grand hall d'entrée qui nous sert de réunion pour les rencontres hebdomadaires du réseau. Trois policiers en civil sont assis à une table. De l'autre côté il y a « Yoyo » qui répond à leurs questions et un jeune garçon de 10-11 ans apparemment réquisitionné pour traduire.

    « Comment êtes vous entrée ici ? Quel emploi avez-vous ? Depuis quand êtes vous ici ? »

    Les réponses de Yoyo semblent amuser beaucoup les policiers. Ils remplissent un formulaire intitulé « Procès verbal ».

    Une dizaine de Rroms sont aussi là et attendent. Je commence à comprendre de quoi il retourne. Je tente de répondre à leurs questions. Un policier leur demande de reculer : « Votre conversation gêne l'interrogatoire. Allez discuter plus loin avec Monsieur. » Il y a plusieurs enfants. Bien sûr ils n'ont pas pu aller à l'école.

    Je ressors et m'approche de la voiture derrière laquelle attendent plusieurs Rroms. Il y a là un policier avec un appareil photo, deux autres sont devant un ordinateur.

    J'ai compris. C'est le même système que celui qui avait été mis en place lors de l'expulsion de Béraud. Un procès verbal est dressé sur la situation de chaque personne, la date de son entrée en France, sa situation au regard de l'emploi, ses ressources. Puis elle est photographiée, et le tout est entré avec son identité dans l'ordinateur. Ils ont trouvé le moyen de ficher toutes les familles de l'école maternelle de Montplaisir. Dans les jours qui viennent ils vont pouvoir établir et distribuer de nouvelles OQTF (Obligation à Quitter le Territoire Français). Déjà une trentaine ont été remises aux familles qui avaient été contrôlées lors de leur expulsion de Béraud.

    Je retourne vers le bâtiment de l'école primaire. Je croise le commissaire de police :

    « C'est donc la même opération de contrôle que lors de l'expulsion de Béraud ? »

    Il confirme.

    D'autres membres du réseau de solidarité sont maintenant là. Tout le monde a compris.

    Plusieurs doivent accompagner des familles à la mairie annexe pour les aider à expliquer leur projet de vie en France. Je repars en voiture avec la famille que j'accompagne. J'aperçois une nouvelle voiture de police avec deux ou trois autres policiers qui sont sur l'autre côté du site, sur la rue Pierre Loti. Je ne les avais pas remarqué en entrant. Le site est bien encerclé. Il doit bien y avoir au total vingt à trente policiers mobilisés.

    Un policier me fais signe de m'arrêter : « Vos collègues m'ont déjà contrôlé à l'aller. » Il me laisse passer.

    Marie Pierre est passée avant moi avec une famille. Elle me raconte par la suite qu'un policier a demandé l'identité de la famille : « Il avait une liste, deux feuillets écrits en petits caractères. Quand il a constaté que le nom de la famille était bien sur sa liste il nous a laissé passer. »

    Lors de mon retour de la mairie annexe à nouveau contrôle, avec là remarque sur l'état du véhicule.

    Cette opération a durée de 8h à 11H du matin.

    Des dizaines de personnes supplémentaires ont été ainsi fichées. Il est sûr que des OQTF vont tomber dès ce lundi.

    Voilà comment les choses se passent, dans ce camp de regroupement qu'est devenu le site de Montplaisir, une sorte de « Sangatte stéphanois » pour Rroms.

    Depuis quinze jours les passages de la police sont quasi quotidiens entre la remise des OQTF et des descentes de police pour on ne sait pas trop quel motif. L'autre jour le directeur de la police est venu accompagné d'une dizaine de voitures pour s'enquérir... « des conditions sanitaires ».

    Mardi prochain 11 septembre à 6H du matin un car rempli par l'ANAEM (Agence Nationale d'Accueil des Etrangers et des Migrations) va « rapatrier » des personnes qui ont accepté de repartir. Officiellement c'est volontaire, mais dans une telle ambiance c'est surtout la peur et la panique qui tiennent lieu de réflexion et la pression qui pousse à la décision.

    Une ANAEM qui pratique de drôles de méthodes. Ainsi les deux salariées qui sont venues pendant plusieurs jours faire remplir les demandes aux familles ne parlent pas le roumain. Des Rroms qui comprennent un peu plus le français ont fait office de traducteurs. Les personnes qui signent la demande se voient immédiatement prendre leurs passeports et cartes d'identités. On leur laisse en échange de simples photocopies. Nous savons maintenant par une personne de l'ALPIL qui a accompagné un voyage de l'ANAEM en tant qu'observateur, que les papiers d'identités sont rendus aux familles une fois sur place en Roumanie. Ainsi l'ANAEM garde plusieurs jours les papiers d'identités de dizaines de personnes ce qui est à notre avis illégal.

    Nous avons demandé que le réseau de solidarité ait un observateur dans le car. Refus du délégué régional de l'ANAEM : « Il n'a pas besoin d'observateur » et puis « vous avez refusé de collaborer avec nous».

    Dans le même temps la cellule d'écoute et d'accueil mis en place à la mairie annexe pour que les familles puissent y présenter leurs projets de vie et de travail en France fonctionne dans le plus grand dilettantisme. Ainsi ce vendredi matin 8 septembre, alors que vingt à trente fonctionnaires de police étaient mobilisées pendant plusieurs heures pour l'opération de contrôle à Montplaisir, personne n'était là en mairie annexe pour recevoir les familles. Les agents municipaux ne sont pas au courant. J'ai le secrétaire général de la préfecture au téléphone. Il s'excuse. Normalement « une personne ressource » aurait du recevoir les familles et les orienter. Mais apparemment la mairie de Saint Etienne a oublié de mettre en place le système. Il me dit qu'il va passer des coups de téléphone. Finalement nous obtenons que deux nouvelles matinées d'accueil soient mises en place la semaine prochaine.

    Voila comment les choses se passent dans un contexte d'effondrement des valeurs humaines, du sens commun et donc de la vie sociale.

    Mais la résistance est là, minoritaire certes mais qui porte du sens, des comportements et des conceptions alternatifs.

    Ce mercredi 12 septembre à partir de 13H un premier rassemblement est organisé devant la préfecture pour porter les premiers recours contre les OQTF.

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