• Ne leur pardonne pas, Père, ils savent bien ce qu'ils font!

    L'hypocrisie des autorités n'étonne plus personne, tellement elle est monnaie courante. Ce n'est pourtant pas pour autant qu'il faille s'en accomoder.

    Dans cet article du Monde, le secrétaire général de la préfecture de l'Essonne dit que ce sont les Rroms qui ont demandé de partir. Mensonge! C'est l'ANAEM qui leur a proposé ce départ. Ils l'ont accepté, pour certains, mais ILS NE L'ONT PAS DEMANDE! La nuance est importante.

    La justice avait décidé leur expulsion du terrain qu'ils occupaient. En face, l'administration (l'ANAEM et la préfecture en l'occurrence), proposent SEULEMENT de l'argent pour que les Rroms retournent en Roumanie. De l'argent....

    1. Combien?

    300 euros par adulte et 100 euros par enfant, dès l'arrivée en Roumanie.

    Sous réserve de présentation d'un projet, ce projet pourrait être financé, par l'intermédiaire de ce que l'ANAEM appelle "opérateurs locaux", à hauteur de 3660 euros.

    2. Comment?

    Nous avons rencontré ces Rroms la veille de leur départ. Ils ne savaient pas comment ils pourraient obtenir les 3600 euros. Beaucoup pensaient même qu'ils obtiendraient cette somme en liquide, tout comme les 300 euros, mais juste un peu plus tard. Connaissant le dispositif, nous les avons éclairés dans la mesure de nos connaissances.

    Le jour du départ, la directrice de l'ANAEM insistait devant les journalistes présents qu'il n'y avait pas d'ambiguïté sur la manière dont les 3600 euros pourraient être accordés. Evidemment, aucune ambiguïté, surtout que l'ANAEM avait bien expliqué les modalités du dispositif aux Rroms quelques jours auparavant, en français. Sans traducteur. A des Rroms dont très peu comprennent le français, et quand ils le comprennent, ils le comprennent mal. Mais le langage administratif ne laisse pas d'ambiguïté, ni aux Français, ni, encore moins, aux étrangers non francophones. Le jour du départ non plus il n'y avait pas de traducteur. Nous avons du traduire un peu. Rassurez-vous, on ne fait pas le sale boulot, c'était à la demande de Rroms qui posaient des questions. Encore, ils posaient des questions, devant les autocars dans lesquels ils montaient. C'est parce qu'il n'y avait eu aucune ambiguïté peut-être...

    3. Pourquoi?

    Evidemment, pour s'en débarrasser. Mais au-delà de ça, n'y a-t-il pas d'autres objectifs? On n'en sait rien, mais une chose est sûre: qu'il y ait ou pas d'autres objectifs, il peut y avoir d'autres conséquences. En effet, la médiatisation de ce "retour volontaire" avec ces sommes d'argent exhibées dans les médias, risque bien de renforcer ou de susciter un sentiment d'injustice chez ceux qui pensent qu'ils paient pour les autres. La xénophobie et l'antitsiganisme s'en retrouveront donc bien renforcés, sur une base rationnelle cette fois-ci, non seulement sur des préjugés.

    4. Pour qui ?

    Surtout pas pour les Rroms qui sont rentrés. Il peut toujours y avoir certains à qui le dispositif profitera réellement, qui monteront un projet d'élevage comme le projet le prévoit, mais il est permis de douter du succès massif de ce dispositif limité à un seul type de projet. Un certain nombre de Rroms disaient qu'ils voudraient utiliser cette somme pour construire une maison, car ils n'en avaient pas. Or il semble qu'ils ne peuvent pas bénéficier de cette aide pour construire un logement. D'autres, encore plus nombreux, disaient qu'ils ne connaissaient rien en élevage, surtout maintenant où on n'élève plus des brebis comme avant l'entrée du pays en Union européenne. Et effectivement, on sait le temps que les paysans français doivent passer sur les papiers, au lieu d'être avec leur bétail ou sur leurs champs...

    Alors, à qui profite tout ça ? En en dressant cette liste, nous ne prétendons pas à l'exhaustivité, car on ne connaît pas tout, ni du dispositif, ni, encore moins, de la manière dont les personnes impliquées agissent (la corruption n'est pas vraiment inexistante en Roumanie, ni en France).

    - La compagnie des autocars qui a assuré le transport Villabé – Roissy

    - La compagnie aérienne qui a assuré le transport jusqu'en Roumanie.

    - Les « opérateurs locaux » en Roumanie, par qui transiteront les fonds, qui assurent ainsi une activité en plus, avec éventuellement de l'embauche etc.

    - L'ANAEM, de la même manière – c'est son activité qui est en question, et toute structure se développe grâce à son activité

    - Les services de l'Etat tels que police, gendarmerie etc. – on les paie pas exprès pour cela, mais enfin, ils sont payés quand ils s'occupent de ces retours, pendant que des criminels peuvent se balader tranquilles.

    5. Aux dépens de qui ?

    De l'argent public. C'est-à-dire à vos dépens, car l'argent public c'est vos impôts. C'est d'ailleurs pour cela que nous nous inquiétons du racisme, ou de sentiments hostiles que ces « retours humanitaires » peuvent susciter.

    Ceci étant dit, nous sommes confiants que votre bon sens évitera ce risque. Car en fait, les 300 euros par adulte et 100 euros par enfants dans ce type d'opération ne représentent rien par rapport au coût global de l'opération. Même si on ajoute à cela les 3600 euros dont les Rroms peuvent bénéficier, ça reste encore dérisoire par rapport aux autres coûts, qui bénéficient à d'autres que les Rroms en question.

    Tout ça c'est bien du gâchis, un de plus. Ce n'est pas le dispositif en soi qui est mauvais, mais la manière dont on le met en œuvre. Sans aucun dialogue avec les intéressés, sans savoir s'ils ont un lopin de terre, sans même savoir s'ils ont vu déjà des brebis ailleurs qu'à la télé, on décide qu'ils doivent devenir bergers en Roumanie, leur pays. C'est ce qu'il faut comprendre dans cette histoire. Le but ce n'est pas du tout d'aider les Rroms à se réinsérer en Roumanie, mais bien de les expulser de France. Tout en sachant qu'ils pourraient bien revenir, car comme le disaient les agents de l'ANAEM, si le but de cette aide est que les bénéficiaires ne reviennent pas, rien n'assure qu'ils ne reviendront pas. Mais qu'importe ! On aura fait mine d'avoir traité le problème humainement. Puis, quand ils reviendront, on dira : « ils ne sont pas intégrables, ce sont des asociaux ; on les a aidés pour qu'ils recommencent une vie normale en Roumanie, mais ils ne veulent pas travailler, ils veulent vivre à nos crochets, de rapins, etc. etc. ». Et là, si le processus va à son terme naturel, il faudra créer des groupes d'autodéfense dans chaque terrain ou squat,voire aussi dans des quartiers populaires où vivent des Rroms.


    Aller simple pour Timisoara
    LE MONDE POUR MATINPLUS | 29.01.08

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