• Par <st1:PersonName>Marcel</st1:PersonName> Courthiade, professeur de langue et civilisation rromani à l'INALCO (Paris)

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    </o:p>La population des Rroms de France est proche d'un demi-million de personnes, en majorité citoyens français (les autres étant perçus comme Yougoslaves, Grecs ou Turcs venus apporter leur force de travail après guerre).  Environ 20% seulement de cette population a un mode de vie mobile, lequel ne concerne que des citoyens français. Ce taux est cinq fois plus élevé qu'au niveau européen (4% à mode de vie mobile sur les 10 à 12 millions de Rroms d'Europe). Un tel électorat n'est donc pas négligeable. Pourtant, aussi bien lors de la présente campagne électorale que des précédentes, aucun candidat n'a tourné les yeux vers ce gisement de voix. Oubli ? Certainement pas, puisque le collectif Romeurope a adressé à tous les actuels candidats un courrier concernant cette population et seuls deux QG (UDF et PS) ont répondu – par des banalités.

    Comment les Rroms français peuvent-ils alors se sentir impliqués dans le débat qui secoue leur pays ? Et inversement, pourquoi dire deux mots sensés à leur sujet est-il ressenti par les candidats comme un risque de perdre des milliers d'électeurs ? Car c'est bien là ce que redoutent les candidats : la mésalliance qui tue...

    Et cette peur de mésalliance vient du fait que les Rroms ne sont pas perçus pour ce qu'ils sont, à savoir tout simplement un peuple qui a été déporté d'Inde du nord (moyenne vallée du Gange, aujourd'hui Uttar Pradesh) en Afghanistan au 11ème siècle, puis vendu comme esclaves en Iran oriental (Khorassan) avant de suivre ses maîtres et les conquérants seldjoukides (les premiers "Turcs") pour marcher sur Bagdad et l'Asie mineure où ils implantent le sultanat de Konya. De là ils poursuivent leur progression un peu partout en Europe (arrivant à Paris en 1427) et font depuis partie du village européen, avec leur langue, leur culture, leurs valeurs et leur vision du monde. Depuis des siècles ce peuple contribue comme les autres peuples aux progrès de notre continent.
    Et pourtant, ce n'est pas comme un peuple que les Rroms sont vus. Ils sont considérés soit comme une peuplade ou une classe sociale à problèmes, soit comme d'éternels migrants, fils du vent ou nomades impénitents, "Gens du Voyage" en politiquement correct, indésirables pour parler franc. Mais qu'à cela ne tienne, les problèmes qu'ils sont censés apporter repartiront avec eux tout aussi vite – d'où cette prédilection des autorités pour considérer les Rroms comme des Voyageurs dont on peut facilement se débarrasser, d'autant plus facilement que pour la plupart ils ignorent leurs droits.

    C'est ce malentendu qui est la forme la plus récente de discrimination à leur endroit, les condamnant à des "solutions dites sociales" qui non seulement ne résolvent pas les dits problèmes sociaux, mais ont plutôt tendance à les créer et les inscrire dans un cercle vicieux.

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    Rroms, Mânouches, Gitans : quel mot choisir ?

    Les trois mots sont justes et chacun désigne une des grandes branches du peuple rrom : "Rroms" pour les quelque 85% vivant en Europe de l'Est et les Balkans, "Gitans" (ou "Kalés") pour le million qui vit en Espagne et en partie en France et "Mânouches" (ou "Sintés") pour les quelque 5% restant qui a vécu très longtemps dans les régions de langue allemande et en Italie du nord. La seule complication est que "Rrom" est employé pour désigner l'ensemble des trois branches dans la bouche des Rroms de l'Est et que Kalés (ou Gitans) désigne également tout l'ensemble dans celle des Gitans.

    Inversement le mot "tsigane" désignait au départ une secte byzantine qui avait déjà disparu au moment de l'arrivée des Rroms, si bien que les gens du peuple ont réutilisé ce vieux nom pour désigner soit les Rroms, soit d'autres groupe plus ou moins au hasard. Le mot "tsigane", qui est une insulte dans de nombreuses langues, est donc à éviter en dehors du domaine de la musique.

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    Des siècles de persécution

    C'est le refrain un peu réducteur que l'on trouve sous la plume de tous ceux qui pour une raison ou une autre font profession d'attendrir le lecteur en utilisant la compassion, laquelle est pratiquement devenue une marchandise dans la société actuelle. Et il est vrai que les persécutions vis-à-vis des Rroms en Europe ont atteint des dimensions inouïes: exécutions barbares, mutilations, bannissement, envoi aux galères, expulsion ou autres châtiments exécutés pour le seule faute d'être né Rrom – tout ceci n'est rien à côté du génocide de 600.000 Rroms, Sintés et Kalés, perpétré par les nazis et les gouvernements qui les admiraient. Sur ces persécutions, on trouve des publications très abondantes, mais qui hélas se limitent en général aux cas les plus visibles et taisent les persécutions "à visage humain", déguisées en pseudo-bienfaisance, le paternalisme, la corruption etc...

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    Intégration économique des Rroms dans l'Histoire

    Pourtant il y a eu des cas de très bonne intelligence entre les Rroms et les populations locales des régions où ceux-ci étaient implantés. En général en Asie Mineure et dans les Balkans les Rroms sont réputés pour avoir apporté des techniques nouvelles dans le travail des métaux, techniques qui ont fait avancer notablement l'agriculture locale.

    Dans certains cas, leur contribution a été décisive bien malgré eux, puisque le professeur Ian Hancock (Univ. d'Austin au Texas) estime que c'est la réduction en esclavage – donc en force de travail à très bon marché, de tous les Rroms qui pénétraient en Moldavie et Munténie (est et sud de la Roumanie d'aujourd'hui) qui a permis à ces principautés de subsister en tant que telles malgré le désastre économique dans lequel les menées ottomanes et la corruption asphyxiaient ces deux pays et leurs peuples. Les Rroms y exerçaient en esclaves les professions les plus diverses : manœuvres, bûcherons, maçons, musiciens, mineurs, orpailleurs mais aussi secrétaires et comptables ! L'abolition de l'esclavage des Rroms en 1855-56 et la réunion de ces deux principautés marqueront la création de la Roumanie d'aujourd'hui.

    Dans de nombreux autres pays les Rroms ont constitué une main d'œuvre saisonnière estimée : Grèce, France (Poitou – notamment dans les cultures maraîchères, Alsace), Espagne mais aussi pays communistes. Leurs régimes facilitaient souvent l'exode rural vers les bassins industriels si bien que les bras des Rroms se révélaient utiles pour assurer les travaux des champs. En effet, les Rroms sont capables de déployer sur quelques semaines une énergie considérable au travail lorsque la saison, la clientèle ou divers impératifs l'exigent – ceci avant de jouir du gain acquis. Ce type de flexibilité, motivée par un résultat à accomplir, surprend ceux qui dans le travail voient surtout l'obligation de faire acte de présence et tirent parti de toutes les opportunités (week-ends, vacances, congés, ponts, absences, RTT, mercredi des mères de familles, repos, parti manger, trop tard, trop tôt, absent "justement" aujourd'hui) pour justifier des absences. L'une et l'autre des approches relève d'une certaine vision de la "qualité de la vie" mais aucune ne devrait être présentée comme plus vertueuse que l'autre.

    Ajoutons à cela que les Rroms ont été longtemps impliqués dans la cueillette des plantes médicinales pour l'industrie bulgare du médicament, aujourd'hui étiolée.

    Plus largement, les Rroms ont longtemps été un lien entre le commerce des bourgades et les maisons isolées, pour leurs propres produits (outils agricoles payés en espèce et écoulés en ville) mais pour d'autres aussi. Certes ces réseaux sont obsolètes de nos jours mais ils ont longtemps contribué à la vie normale des campagnes. Une autre fonction des Rroms était la distraction et le spectacle, mais aussi certaines formes de "psychothérapie" et de conseil sous forme de divination. La concurrence qu'ils représentaient pour les églises ne leur a pas souvent valu l'aménité de ces dernières – l'Inquisition s'est illustrée de manière particulièrement inhumaine vis-à-vis des Gitans.

    Dans une société qui valorisait la récupération (ce qui reviendra peut-être) les Rroms avaient acquis des compétences environnementales de haut niveau. De nos jours, plusieurs entreprises ont une dimension internationale, comme Santiago en France et Vamosi en Hongrie. Aux Etats-Unis une des spécialités de Rroms est le travail des grandes structures en aluminium et la réparation éclair des carrosseries de voitures – et montant en flèche, la divination organisée comme de véritables centres médicaux.

    Plus modestement, les Rroms travaillant dans les foires (mais aussi les Forains non Rroms qui sont en nombre à peu près égal à eux) donnent du travail, certes précaire mais bien existant, à quantité de gens dans les communes où ils passent.

    On pourrait ajouter avec une ironie amère que des centaines d'"experts des projets rroms" sont rémunérés – sans grand résultat à vrai dire – par nombre d'institutions et de ministères en Europe, ce qui protège ces experts du chômage. En outre, la peur du Romanichel (mot qui en rromani signifie simplement "peuple rrom"), entretenue sur les ondes par divers "experts en sécurité" se trouvant être également producteurs de systèmes d'alarme et de protection, permet à cette industrie d'accroître ses bénéfices (c'est à une moindre échelle la tactique de NRA aux Etats-Unis). Ceci rappelle un rapport du préfet des Pyrénées atlantique de 1802 qui écrivait : "Ces gens-là (les Romanichels), même s'ils sont honnêtes pour la plupart, sont responsables de nombreux larcins dans le pays car leur simple arrivée encourage les malfaiteurs à perpétrer leurs méfaits, sachant qu'il leur sera facile de les leur faire endosser; il faut donc les expulser". Bien entendu il y a chez les Rroms, Sintés et Kalés des malfaiteurs, comme chez les marins pêcheurs bretons, les Lyonnais, les diabétiques, les blondes ou les journalistes, mais le stéréotype associant Rroms et délinquance est aussi absurde que destructeur (le taux de criminalité est comparable à celui des non-Rroms de classe sociale similaire et le nombre de meurtriers est bien plus faible).

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    Mécanismes de succès social

    Malgré le fait que plus de 60% de la population rromani d'Europe vit actuellement dans des conditions tragique de survie, il existe un bon nombre de familles, d'individus ou de communautés dont la bonne intégration économique n'a pas conduit à la perte du patrimoine culturel. Par exemple il existe en Roumanie une sorte d'élite, appelée les "Gabors", qui a toujours su à travers les divers régimes politiques et économiques rester relativement prospère et en même temps cultiver son mode de vie traditionnel – y compris, moyennant quelques adaptations, ses professions. Aucun d'eux en tout cas n'émarge aux allocations chômages !

    A l'inverse, les Maćharis de Dány en Hongrie se sont entièrement reconvertis d'un point de vue professionnel puisqu'ils travaillent tous à des chaînes de montage de produits électroniques, ceci en maintenant eux aussi leur langue et leur culture. L'échec n'est donc en rien inscrit dans la destinée des Rroms.

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    L'échec

    Les causes de l'échec sont souvent la conjonction, ou plutôt l'enchaînement, de plusieurs facteurs. Ainsi, lors de l'abolition de l'esclavage en Roumanie, rien n'a été fait pour accompagner les nouveaux affranchis qui se retrouvaient à la rue dans un système féodal sans pitié (alors que leurs anciens propriétaires avaient été dédommagés par l'Etat). Ils se sont donc retrouvés dans la marginalité alors que rien n'était fait pour combattre la mentalité esclavagiste, non seulement chez Roumains, mais aussi les séquelles de l'esclavage chez eux (manque de projet et du sens de la responsabilité, sous-estime de soi, absence du sentiment de propriété etc.). Avec l'arrivée du communisme et l'exode rural, la main d'œuvre agricole est fournie par les Rroms, avec travail assuré et amélioration de leurs conditions de vie – si bien qu'on les a considérés ces dernières années comme les "privilégiés de Ceauşescu" et de là à dire que le dictateur était "de race tsigane", il n'y avait qu'un pas – franchi plus d'une fois par la presse !!!!

    La chute du communisme conduisit à la restitution des terres aux anciens propriétaires et à l'expulsion des Rroms, rejetés dans le chômage, la marginalité, la misère. Une telle situation a bien entendu fait se multiplier les ONG vampires qui, non contentes de détourner ou gaspiller les fonds destinés aux Rroms, manipulent les intéressés et cautionnent docilement tout ce que souhaitent les autorités en place. La corruption pécuniaire, politique et morale mine aussi bien les membres rroms que non-rroms de ces ONG et l'origine ethnique n'est en rien pertinente dans ce domaine. Cette situation au niveau local est d'autant plus regrettable que Bucarest peut s'enorgueillir de résultats remarquables comme sa législation anti-raciste ou encore la reconnaissance de la langue et de la culture rromani dans l'enseignement scolaire (16.000 élèves par an suivent cet enseignement dans tout le pays).

    On comprend mieux pourquoi certaines familles, victimes de la précarité de tout acquis social pour les Rroms en Roumanie, viennent tenter de donner une scolarité normale à leurs enfants en France ou en Espagne. En fait, ce sont surtout des paysans, et leurs compétences, bien qu'excellentes, sont inutilisables en ville en France.

    La situation est pire encore en Bulgarie où, avec la bénédiction de "représentants" autoproclamés des Rroms, des milliers d'enfants sont orientés vers des classes pour handicapés qui les privent de tout avenir. La perversion du système tient au fait que sur le papier des rapports tout est parfait : ce sont des tests prétendus objectifs qui président à l'orientation des enfants. Des rapports de prétendus "experts rroms" confirment le bien fondé des pratiques, on allèche les parents par divers "avantages" (farine, chaussures etc.), des pressions sans fin sont exercées sur eux, tant par des ONG que par les autorités en place, mais aussi par les réseaux de parents non-rroms, on trouve toujours un Rrom ou deux pour exprimer dans les médias ou face aux inspecteurs étrangers sa pleine satisfaction du système – alors qu'en même temps les avantages matériels insignifiants attisent contre les Rroms la jalousie et le racisme de parents non-rroms tout aussi pauvres qu'eux. C'est ce contexte qui permet aujourd'hui à Volen Sidérov, dit "Bolen" (le malade), un tel succès populaire (16%) lorsqu'il dit qu'il faut "transformer les tsiganes en savon". En réalité les "représentants rroms", usuriers et spéculateurs pour les intimes, sont les principaux coupables de cette situation, avec certains non-Rroms qui concentrent en leurs mains un pouvoir sans partage (distribution des fonds de la "décennie des Rroms" par exemple).

    Déguiser un traitement raciste en problème social ne fait que précipiter la spirale de la désintégration, de la misère et à terme de la délinquance, justifiant par là même les dires des racistes.

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    Jusqu'à l'exil...

    L'hypocrisie caractérise le traitement des Rroms en Europe : nous sommes tous dans la même Union et pourtant la manière dont sont traités les Rroms dans les divers pays ne semble intéresser personne. Alors que la collaboration se fait de plus en plus étroite dans mille domaines, la question rrom y échappe – un peu comme elle échappe aux préoccupations de nos candidats. Si des Rroms viennent en France, la réponse est sécuritaire (ou pseudo-sécuritaire), comme s'il s'agissait d'envahisseurs. Pourtant, les Rroms qui s'y résignent souffrent du mal du pays et de nostalgie; beaucoup préfèreraient vivre près des tombes de leurs ancêtres (nous sommes très loin du stéréotype véhiculé par une certaine presse) dans leur pays natal, avec toute la complicité avec la population majoritaire : alors retour oui, il est souhaité, mais dans quelles conditions?

    Tant que les mécanismes réels du racisme n'ont pas été identifiés et combattus dans un esprit de bonne coopération entre les pays considérés, loin des rapports politiquement corrects (mais mensongers) et des déclarations de chancellerie, quel retour peut-il être envisagé sérieusement ? Vers quel enfer de précarité et d'instabilité ?

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    Le refus de prendre le mal à la racine

    Traiter comme sociale une problématique qui n'est qu'un tissu de stéréotypes de la part des majoritaires ne peut que fournir des prétextes aux pires discriminations. Il serait essentiel de former (comme l'INALCO à Paris le prépare au niveau mastère) des Rroms experts dans les mécanismes occultes des divers types de corruption, afin que des diagnostics réalistes puissent conduire à des réponses adaptées. Pourtant, alors que les candidats à ces études se multiplient, le Fonds d'éducation des Rroms (43 millions d'Euros actuellement déposés à Chur, en Suisse) ne prévoit pas de leur accorder de bourses, mais finance des "centres d'information" qui pour la plupart n'existeront jamais que sur le papier. Il est clair que de tels centres sont fort utiles pour matérialiser le consensus tacite entre les gouvernements, les ONG et les institutions européennes.

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    Et en France ?

    Comme nous l'avons mentionné plus haut, la France a déplacé la question des Rroms sur le domaine de la mobilité, comme s'il y avait un rapport systématique entre les deux. Existe-t-il donc en France une loi interdisant la mobilité ? Non, bien entendu, car elle n'aurait pas de base juridique et pourtant, de facto, l'interdiction existe et elle se double même d'une interdiction de s'arrêter – tout cela bien sûr sous prétexte sécuritaire.

    En fait même si 96% des Rroms sont sédentaires au plan européen, il appartient à tout le peuple rrom d'être solidaire, humainement et symboliquement, avec les Rroms (mais aussi avec les autres) qui ont choisi un mode de vie mobile, ceci en dehors de tout communautarisme puisque la question concerne un grand nombre de non-Rroms mobiles, en particuliers les Forains.

    Il est essentiel de lutter pour faire accepter la vie mobile à pleine égalité de droits avec la vie sédentaire, comme le prévoit l'article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, c'est-à-dire : le droit de circuler librement, de s'arrêter librement et de reprendre librement la mobilité, ceci avec les mêmes droits que les résidences fixes : inviolabilité du domicile mais aussi égalité d'accès aux assurances, aux crédits et aux allocations, comme toute la population du pays. Il s'agit donc aussi du Droit de résider en un lieu sans en être chassé, dans le respect bien entendu de l'urbanisme local, mais comment exiger un tel respect lorsque les communes sont dans l'illégalité, puisqu'elles n'appliquent pas la loi Besson sur les aires de stationnement ? Rares sont les aires existantes, bien plus rares encore celles qui sont correctes (il faut donc féliciter les maires qui ne sont pas dans l'illégalité). Par la suite il faudra que ces aires soient construites avec consultation entre les protagonistes, ce qui ne pourra se faire qu'avec la prise en compte des Rroms, non comme d'éternels "nomades" ou une caste à problème, mais comme un peuple partenaire des collectivités locales.

    Un leitmotiv lancinant fait croire en France que la mobilité des enfants les prive d'une scolarité normale. Tout d'abord il faut relever que cette mobilité s'étend souvent sur moins d'un département. Ensuite, le Centre National d'Enseignement à Distance fait un travail remarquable auprès des enfants à mode de vie mobile. Enfin, la mobilité n'a jamais posé de problème à leurs petits camarades du Canada, d'Australie ou des Etats-Unis, pourquoi les enfants du voyage de France seraient-ils si gravement affectés par la mobilité ? Le stéréotype se marie là avec l'ignorance.

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    L'autre tromperie : un groupe social à problème

    Même si le mot de Rrom, nom qu'un peuple se donne à lui-même, remplace de plus en plus souvent ceux de tsigane et gypsy, nom donné par des ignorants à des indésirables, il n'est pas rare que ce soit le sens de "tsigane" ou "gypsy" qui reste derrière le mot "Rrom", traité comme politiquement correct – un peu à la manière développée dans les pays de l'Est sous le communisme. L'une des conséquences est de remplacer l'identité culturelle positive, contribution au patrimoine européen, par un regard condescendant sur un vague groupe d'exclus et de miséreux. Par suite, toute personne qui s'élèverait socialement de cette marginalité cesserait d'être Rrom et par conséquent deviendrait impropre à la représentation des Rroms et au dialogue avec les autres acteurs sociaux, ce qui renferme alors ce peuple dans une incapacité intrinsèque à prendre part à la vie sociale et politique, sauf sous forme de pseudo-représentants plus ou moins téléguidés par les autorités en place, toujours les mêmes et déplacés de poste en poste comme dans les chaises musicales. Si ajoutent les éternels "stagiaires", comme si la population rromani n'était composée que de jobards qui ont un cuisant besoin de se former pour pouvoir agir – ceci alors même qu'il existe des systèmes de régulation sociale, politique et même juridique très au point depuis des siècles chez les Rroms. Malgré tout, ces compétences sont purement et simplement passées au oubliettes. On boucle ainsi la boucle qui empêche toute véritable participation des Rroms à la vie de la cité.

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    Commencer par faire passer le message

    En réalité, l'ignorance presque totale des populations sur la question rromani est une des causes de ce malaise et il faut donc commencer par une éducation préalable de ces populations, un peu comme dans les campagnes publicitaires – les mentalités ont bien changé en termes de violences conjugales, de tabagie, d'incivilités dans les transports ou de harcèlement sexuel. Or la tsiganophobie relève des mêmes instincts primitifs et pourrait être traitée en partie d'une même manière. Pourtant, ça n'intéresse personne car les résultats sont à trop long terme pour les élus d'aujourd'hui... Mille justifications sont trouvées pour éluder les projets dans cette direction : depuis des interprétions spécieuses de la Constitution jusqu'à des "contraintes techniques" en passant par de simples refus sans explication. Les possibilités d'améliorer la situation sont multiples, souvent très bon marché, mais ignorées des autorités. Pourtant par de tels refus, le pays s'expose à terme à des problèmes sociaux de plus en plus graves et irréversibles – alors que les solutions sont à portée de main pour qui veut accepter la réalité.

    Alors qui aura cette volonté politique : une gadji ou un gadjo ???


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